Bientôt du foie gras « in vitro »

Du foie gras a été conçu à partir de cellules de canard.
Du foie gras a été conçu à partir de cellules de canard. Jean Coubard / Studio23 - stock.adobe.com
En région parisienne, la start-up Gourmey tente de mettre au point le premier foie gras cultivé à partir de cellules de canard. Une innovation qui se heurte encore à la législation européenne en matière de « viande cellulaire ».

Un foie gras cultivé à partir de cellules de canard. Voilà le projet inédit porté par Gourmey, start-up française créée en 2019 avec pour objectif de révolutionner la filière. La semaine dernière, ses trois jeunes dirigeants ont annoncé avoir levé 10 millions de dollars (8,5 millions d’euros) pour développer leur activité.

Un produit éthique

Avec 1,2 million de consommateurs en 2020, le foie gras est un des fleurons de la gastronomie française. Mais, depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour dénoncer les conditions d’élevage des canards et des oies. L’entreprise française espère, grâce à son procédé, en tirer profit. « Il y a un besoin très fort pour un produit alternatif au foie gras conventionnel, produit controversé », souligne Nicolas Morin-Forest, un des trois fondateurs de Gourmey.

→ À LIRE. Le « poulet cellulaire » s’invite dans les assiettes

« Avec plus de 9,5 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050, il va falloir produire beaucoup plus de viande. Les modèles conventionnels, très exigeants en ressources naturelles, ne suffiront pas. Il faudra mettre en place des méthodes de production plus économes », poursuit le chef d’entreprise.

Depuis trois ans, la start-up travaille sur cette question. Développé à partir de cellules souches de canard, son produit se veut éthique. Pour obtenir un goût et une texture satisfaisant, l’entreprise a recouru à plusieurs expériences : 600 au total. « Nous sommes arrivés à une recette assez satisfaisante, même si elle n’est pas encore parfaite. Mais 90 % du chemin est fait », affirme son associé Victor Sayous.

Une industrialisation à grande échelle compliquée

« Désormais, notre défi principal est l’industrialisation à grande échelle de notre production et la réduction des coûts », précise Antoine Davydoff, troisième des cofondateurs.

→ RELIRE. La viande artificielle, une fausse bonne idée ?

La législation pour la viande issue de laboratoire est ferme. Pour l’instant, seule Singapour autorise sa commercialisation. Cette décision, adoptée en décembre dernier, a fait réagir Julien Denormandie. Sur Twitter, le ministre de l’agriculture a manifesté son opposition : « Est-ce vraiment cela la société que nous voulons pour nos enfants ? Pour moi, non. Je le dis clairement : la viande vient du vivant, pas des laboratoires. Comptez sur moi pour qu’en France, la viande reste naturelle et jamais artificielle ! ».

Un produit destiné à l’exportation

Pour être commercialisée dans l’Union européenne, la viande artificielle doit obtenir le label « Novel Food ». Créé en 1997, il a été assoupli en 2018 pour favoriser l’innovation alimentaire. À ce jour, aucune entreprise ne l’a obtenu.

→ EXPLICATION. Maltraitance animale, notre alimentation en question

Cette contrainte oblige donc la start-up à s’exporter. « Dans un premier temps, on se tournera vers les États-Unis et l’Asie où il y a un besoin évident et un environnement réglementaire plus avancé », souligne Nicolas Morin-Forest. Dès 2018, l’administration américaine a ouvert un cadre réglementaire favorable à la consommation de viande « in vitro ».

Gourmey ne compte pas s’arrêter là. Après le foie gras, elle envisage d’investir dans la viande cellulaire de poulet, de dinde, de canard.

OSZAR »