L’histoire se déroule en mars dernier. Une voiture est arrêtée à un péage près de Fréjus. Dans un sac, les douaniers trouvent des chaussettes dans lesquelles ont été dissimulées neuf liasses de billets de banque. Des petites coupures pour un total de 100 230 €. Très vite, la question se pose : cet argent peut-il avoir un lien avec le trafic de drogue ? Les douaniers font alors intervenir un chien antistupéfiants. « Les collègues ont tout de suite compris en voyant sa réaction. Le chien est devenu tout fou. Il a pris une chaussette qu’il ne voulait plus lâcher », raconte Alexandra Pasquier, cheffe divisionnaire aux douanes d’Aix-en-Provence.
Selon les douaniers, la réaction de l’animal était un indice fort que cet argent était passé entre les mains de personnes ayant aussi manipulé de la drogue, laissant au passage son odeur sur les billets. « Les chiens sont des auxiliaires précieux pour détecter de la cocaïne ou des billets de banque, notamment quand ils sont dans des caches discrètement aménagées dans des véhicules. On les fait aussi venir dans des tris postaux pour détecter les colis contenant des stupéfiants », indique Alexandra Pasquier.
Des capacités olfactives exceptionnelles
Aujourd’hui, on recense un peu plus de 200 chiens douaniers formés à la détection des stupéfiants et une vingtaine spécialisés sur les billets. « Ce dernier chiffre va augmenter ces prochaines années car, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, il y a une volonté forte de repérer l’argent qui circule en liquide », indique Yohann Berthier, responsable du centre de formation cynophile à l’École nationale des douanes de La Rochelle. C’est dans ce centre que sont formés durant environ quatorze semaines les labradors qui, plus tard, iront traquer la drogue ou l’argent sur les routes, dans les ports ou les aéroports.
« En matière d’odorat, les chiens ont des capacités infiniment supérieures à celles des humains. Au niveau de la fosse nasale, un chien a une surface de muqueuse olfactive de 200 cm2. Chez l’homme, c’est 5 cm2. Le seuil à partir duquel un chien peut percevoir une odeur est un million de fois inférieur à celui d’un humain », explique Yohann Berthier.
Trouver de la drogue, un jeu
Mais tout ne repose pas sur les capacités physiologiques de l’animal. La clé de la réussite, c’est aussi le binôme qu’il forme avec le maître-chien. Un binôme pour la vie. Au travail comme à la maison. « Le labrador est remis à son maître à 8 semaines. Ensuite, ils vont être ensemble en permanence puisque le chien va vivre chez son maître », indique Yohann Berthier. Dès le départ, le maître va fabriquer un jouet, une sorte de poupée confectionnée avec du tissu et de la ficelle. Et très tôt, le maître va jouer avec le chien en utilisant la poupée comme support. « On va ensuite utiliser le jeu pour la formation. On va placer la poupée à côté d’un produit stupéfiant, par exemple de la cocaïne, explique le douanier. Le chien va alors associer son jouet avec l’odeur qui lui sera présentée et qu’il va très vite mémoriser. Ensuite, en inspectant une voiture, il va chercher l’odeur du stupéfiant comme s’il jouait. En sachant que, s’il trouve quelque chose, il aura sa récompense, c’est-à-dire sa poupée. »
Pour l’argent, le chien va chercher trois odeurs : celles du papier, du pigment de l’encre et du métal qu’on trouve à la surface des billets. « Il faut alors lui apprendre à discriminer ces trois odeurs spécifiques aux billets. Car dans la vie courante, il y a beaucoup de papiers avec de l’encre imprimée. Et il ne faut pas que le chien confonde des billets avec des journaux ou des livres. Il faut aussi qu’il sache reconnaître une certaine quantité de billets pour ne pas réagir devant un individu qui a juste 20 € dans son portefeuille », explique Yohann Berthier, en ajoutant que, pour former les chiens, les douaniers utilisent notamment des confettis de billets fournis par la Banque de France. « On les forme sur les euros mais on a vite constaté qu’ils pouvaient aussi trouver des livres sterling ou des dollars. »