Au Royaume-Uni, le parti du Brexit sommé de s’effacer face aux conservateurs

Le chef du parti du Brexit, Nigel Farage, en campagne électorale à Sedgefield, le 11 novembre.
Le chef du parti du Brexit, Nigel Farage, en campagne électorale à Sedgefield, le 11 novembre. Ian Forsyth / Getty Images/AFP
Nigel Farage, le leader du parti du Brexit, a accepté, lundi 11 novembre, que ses candidats pour les législatives anticipées du 12 décembre prochain se retirent dans les circonscriptions détenues par un conservateur.

C’est un cadeau en or que Nigel Farage fait à Boris Johnson, à un mois des élections législatives anticipées. Le leader du Brexit party a accepté, lundi 11 novembre – pas forcément de bonne grâce – de retirer ses candidats des circonscriptions où ils seraient en concurrence avec un membre du Parti conservateur déjà installé.

C’est lors d’un déplacement à Hartlepool (nord-est) qu’il a confirmé que sa formation politique ne présenterait pas de candidats dans 319 circonscriptions remportées par les conservateurs aux dernières élections de juin 2017, et que son parti se « concentrerait sur les sièges tenus par le Parti travailliste ».

Nigel le Brexiter

Le pourfendeur de l’Union européenne, qui s’était illustré en créant le parti Ukip, eurosceptique et anti-immigration, lors de la campagne contre le Brexit en juin 2016, avait pourtant annoncé une grande offensive pour les législatives du 12 décembre, son parti présentant 600 candidats (sur 650 sièges).

Pressions d’Arron Banks

Que s’est-il passé entre-temps ? Nigel Farage n’a pu résister aux pressions d’Arron Banks. Le millionnaire britannique, surnommé le « banquier du Brexit » pour avoir financé la campagne référendaire du Leave, soutient l’accord passé entre Boris Johnson et l’UE. Pour que celui-ci ait une chance d’être voté par le Parlement britannique, permettant un Brexit au plus tard le 31 janvier prochain, après deux reports, Boris Johnson doit obtenir une majorité au Parlement.

Or, la présence des candidats du Brexit party faisait craindre qu’en mordant sur l’électorat conservateur ils ne favorisent l’opposition. C’est le cas dans la circonscription de Rossendale et Darwen, dans le Lancashire (nord-ouest), où le Brexit party avait lancé dans l’arène Nadine Mason, forcée de s’effacer face au conservateur Jake Berry, député depuis 2010.

Lindsay Hoyle, un « speaker » pour apaiser le parlement britannique

Rencontrée fin septembre à Preston, où elle était déjà en campagne, cette ancienne employée du NHS (le système de santé publique britannique) de 48 ans, mère célibataire issue d’un milieu modeste et novice en politique, illustre parfaitement ces candidats du Brexit party lorsqu’elle réclame, assise à la terrasse d’un café à Preston, le retour au « contrôle des frontières du pays, à l’arrêt de l’immigration non choisie et au recentrage du NHS sur ceux qui en ont vraiment besoin, c’est-à-dire les Britanniques ». Tout ce que n’a pas fait le Parti conservateur, selon elle.

« Nigel s’est juste dégonflé »

Avec un tel programme, dans une région déshéritée au fort taux de chômage et à la population vieillissante, Nadine Mason était persuadée de réussir à attirer « les voix des gens frustrés par les politiciens établis (les conservateurs, NDLR) qui n’ont rien changé ni fait avancer ce pour quoi ils ont voté : le Brexit ».

Donald Trump critique l’accord sur le Brexit

Appelée au téléphone à plusieurs reprises, ce mardi 12 novembre, elle était injoignable. « Son e-mail a été effacé du serveur du Brexit party et son portable débranché », confirmait Keith Barry, rédacteur en chef du site Media. « Nigel n’a pas passé d’accord avec Boris, juge-t-il, il s’est juste dégonflé. Il a dû abandonner de très bons candidats. Il pense que ceux-ci pourraient être responsables de la division du vote du Leave qui aboutirait à un Parlement sans majorité, et avec un Corbyn toujours présent. »

Le « sacrifice » de Nigel Farage

Le « sacrifice » concédé par Nigel Farage n’était pas jugé suffisant par certains caciques du Parti conservateur qui réclamaient, dans la presse conservatrice, qu’il retire ses candidats, y compris là où le Parti travailliste détient le siège, notamment dans les Midlands, le nord de l’Angleterre et le pays de Galles, d’anciens bastions du Labour qui, pour une grande majorité ont voté pour quitter l’UE. L’idée est de dégager la voie pour les seuls conservateurs.

En face, le Labour, mené par Jeremy Corbyn, fait campagne en promettant qu’un gouvernement travailliste négocierait avec les Vingt-Sept un nouvel accord de sortie de l’UE, plus protecteur pour les travailleurs, et le soumettrait au vote des électeurs, face à l’alternative d’un maintien dans le bloc européen. Tous les candidats du parti du Brexit vont-ils obéir à leur chef et accepter de s’effacer ? « Cela pourrait être un problème pour Nigel, si certains refusent », concède Keith Barry qui s’attend à des résistances.

-----------------

Ingérences russes au Royaume-Uni

Mardi 12 novembre, l’ex-candidate à la présidentielle américaine, Hillary Clinton, a jugé « honteux » que le gouvernement britannique ne publie pas un rapport parlementaire sur de possibles ingérences russes dans la politique britannique, avant les élections législatives du 12 décembre.

Remis au premier ministre le 17 octobre, il n’a pas été rendu public malgré les appels du président de la commission parlementaire du renseignement et de la sécurité (ISC). Outre les tentatives d’ingérence russes dans la campagne du référendum de 2016 sur le Brexit, le rapport s’intéresse aussi aux tentatives d’infiltration du Parti conservateur de Boris Johnson.

OSZAR »