Juste une semaine après son élection, parmi ses primeurs, le pape Léon XIV a consacré une audience aux fidèles orientaux, venus le rencontrer, le 14 mai. Au cours de cette audience aux participants du Jubilé des Églises orientales, il a livré des réflexions appuyées théologiquement, à travers lesquelles on peut entrevoir sa perception de l’Orient chrétien. Le pape a mis l’accent sur la nécessaire préservation des traditions catholiques orientales, y compris en Occident, au sein des communautés de la dispersion, appelant ceux restés sur place à ne pas abandonner leurs terres.
Ces Églises, dit-il, préservent des traditions spirituelles et sapientielles uniques, qui ont beaucoup à dire sur la vie chrétienne, la synodalité, la liturgie, l’apport des Pères de l’Église, leurs conciles et leur monachisme. Dans la lignée de Léon XIII (1878-1903) – dont il affirme que les préoccupations d’alors sont très actuelles –, il cite des extraits de sa lettre apostolique Orientalium dignitas, « qui fut le premier à consacrer un document spécifique à la dignité de vos Églises, en raison du fait que l’œuvre de la rédemption humaine a commencé en Orient ».
Évoquant leurs liturgies, il dit que certaines « utilisent encore la langue du Seigneur Jésus » et ajoute que la « légitime diversité de la liturgie et de la discipline orientale redonne une grande dignité et une grande valeur à l’Église ». Le pape évoque leur exil en diaspora, contraint de quitter leur terre d’origine, mais risquant en arrivant en Occident de perdre, outre leur patrie, leur identité religieuse.
Sensibiliser les latins
Il fait siens les propos de Léon XIII : « La conservation des rites orientaux est plus importante qu’on le croit. » À cette fin, rompant avec le passé, Léon XIII prescrivait déjà que « tout missionnaire latin, du clergé séculier ou régulier, qui, par ses conseils ou son aide, attirait un oriental vers le rite latin, serait destitué ou exclut de sa charge ». En conséquence, conclut le pape, il est nécessaire de sensibiliser les latins, en plus de la création, « lorsque cela est possible et opportun, de circonscriptions orientales ».
Et pour ce faire, il demande au dicastère chargé des Église orientales de l’aider à définir « des principes, des normes et des lignes directrices », grâce auxquels les pasteurs latins pourront concrètement soutenir les chrétiens orientaux en diaspora. « L’Église a besoin de vous », lance-t-il. À la question de savoir quelle contribution importante peut apporter aujourd’hui l’Orient chrétien, le pape répond par « le besoin du mystère, qui est si vivant dans vos liturgies qui impliquent la personne humaine dans sa totalité et suscitent l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine ! »
Même pour l’Occident chrétien, l’apport spirituel de l’Orient est important, celui de redécouvrir « le sens de la primauté de Dieu, la valeur de la mystagogie, de l’intercession incessante, de la pénitence, du jeûne, des larmes pour ses propres péchés et pour ceux de toute l’humanité, si typiques des spiritualités orientales ». Et le pape demande de préserver les traditions, « afin qu’elles ne soient pas corrompues par un esprit consumériste et utilitariste ».
Un signe d’espérance
Il qualifie ces spiritualités orientales, « anciennes et toujours nouvelles », de remède, en mettant en exergue leurs caractéristiques spirituelles. « Le sens dramatique de la misère humaine s’y confond avec l’émerveillement devant la miséricorde divine. » Dans ce sens, il cite deux pères orientaux syriaques : saint Éphrem (306-373) et saint Isaac de Ninive (VIIe siècle).
Dans son Discours sur le Seigneur, saint Éphrem écrit : « Gloire à toi qui a fait de ta croix un pont sur la mort. Gloire à toi qui t’es revêtu du corps de l’homme mortel et l’as transformé en source de vie pour tous les mortels. » Quant à Isaac de Ninive, il écrit dans ses Sermons ascétiques : « Le plus grand péché est de ne pas croire aux énergies de la Résurrection. »
Il en découle que le pape attache une grande importance à cette chrétienté orientale et voit en elle un signe d’espérance, y compris en Occident. Il confirme ainsi son autonomie, ses spécificités ecclésiologiques et liturgiques, son refus catégorique de la latinisation, quelle qu’en soit sa forme, voire le développement de circonscriptions ecclésiales, quand cela s’avère nécessaire dans les pays de la dispersion, qui pourraient également faire profiter le milieu dans lequel ils vivent.