« Les Graines du figuier sauvage », « Ni chaînes ni maîtres »… Les sorties cinéma du 18 septembre

« Les Graines du figuier sauvage » a obtenu le Prix spécial du Festival de Cannes.
« Les Graines du figuier sauvage » a obtenu le Prix spécial du Festival de Cannes. Pyramide Film
Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof ; Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutaïrou ; Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières ; Les Barbares de Julie Delpy : voici la sélection de films que La Croix a vus pour vous cette semaine.

♦ Les Graines du figuier sauvage ***

de Mohammad Rasoulof

Film iranien, 2 h 46

L’intrigue au moment des protestations de l’automne 2022, et les images documentaires, filmées par des milliers de téléphones portables, en rythment le récit. Tourné clandestinement, le film raconte l’histoire d’Iman, un juge qui vient d’être nommé enquêteur dans un tribunal révolutionnaire. Contraint de signer des mandats d’exécution à la chaîne, il doit faire face aux jugements de ses deux filles adolescentes. Celles-ci suivent les événements et viennent en aide à une de leur camarade blessée lors des manifestations. Lorsque le revolver d’Iman disparaît du tiroir de sa table de nuit, ses soupçons se portent immédiatement sur elles. Il est alors prêt à tout pour obtenir la vérité et démasquer le coupable.

Le film nous enferme avec cette famille de la classe moyenne dans son intérieur cossu, alors que les échos du mouvement nous parviennent par le biais des images – celles officielles de la télévision iranienne et celles interdites qui circulent sur les réseaux sociaux –, renforçant son caractère oppressant. Ce huis clos asphyxiant devient alors la métaphore de la politique de tout un pays. Méfiance, suspicion, paranoïa s’emparent du père de famille qui revêt le visage odieux de la répression, loin de l’homme enjoué et rieur des films de vacances retrouvés sur place par une de ses filles.

» LIRE LA CRITIQUE : « Les Graines du figuier sauvage », l’ode à la liberté de Mohammad Rasoulof

♦ Ni chaînes ni maîtres ***

de Simon Moutaïrou

Film français, 1 h 48

Cicéron a un statut enviable du point de vue de son propriétaire, Eugène Larcenet. Il parle français, sait lire et écrire et joue un rôle clé dans la production en traduisant en wolof les ordres du maître aux autres esclaves. En secret, Cicéron apprend à lire et à écrire à sa fille Colette dans l’espoir fou de son affranchissement. Mais elle refuse ce nom donné par les Larcenet, lui rappelle que lui et sa mère l’ont appelée Mati et que lui-même se prénomme Massamba. Le jour où elle s’enfuit, Massamba part pour tenter de la protéger de Madame La Victoire, une chasseuse de marrons, engagée pour la traquer.

Le film épouse le point de vue de Massamba. Sa fuite éperdue à travers l’île à la recherche de sa fille le conduit à retrouver sa liberté, son identité et ses croyances. Simon Moutaïrou y fait allusion par des scènes oniriques qui imprègnent le film de réalisme magique. Le Sud luxuriant de l’île Maurice et le morne Brabant, un monticule rocheux de 500 mètres de haut où se réfugiaient les marrons, offrent l’écrin somptueux à ce film plein d’un souffle épique et solide sur le plan historique.

» LIRE LA CRITIQUE : « Ni chaînes ni maîtres », chronique épique de l’esclavage dans la France du XVIIIe siècle

♦ Ma vie, ma gueule *

de Sophie Fillières

Film français, 1 h 39

Dans la vie de Barberie Bichette, il n’y a pas que son surnom de Barbie qui l’afflige. Le drame de son existence, c’est d’avoir 55 ans. Autant dire d’être vieille. Comment s’en accommoder alors que cette réalité ne devrait pas connaître de notables améliorations au cours des années qui viennent ? Elle ne voit plus sa fille qui, croisée au hasard sur un banc parisien, débite des horreurs sur son compte. Barberie se fuit avec constance et, dans le même élan, fuit ses proches et ses collègues, comme pour mieux se conforter dans l’idée de sa solitude et de son inéluctable déchéance.

Ma vie, ma gueule tisse un (auto) portrait douloureux d’une femme dépressive, dans l’incapacité de s’écouter, de connaître ses désirs, de renouer avec ses élans vitaux. Le film juxtapose des vignettes, tantôt charmantes, tantôt pesantes, le plus souvent décousues, dont la confusion rend peut-être compte avec habileté de celle qui agite son héroïne. Habillée de vêtements de Sophie Fillières et entourée de ses amis, Agnès Jaoui donne sa cohérence à ce récit inégal.

» LIRE LA CRITIQUE : « Ma vie, ma gueule », un autoportrait posthume et mélancolique de Sophie Fillières

♦ Les Barbares *

de Julie Delpy

Film français, 1 h 41

La guerre en Ukraine est l’occasion pour les communes françaises de se montrer généreuses en accueillant des réfugiés qui pourraient plaire à tous leurs administrés. C’est le choix de Paimpont, un village breton dans l’Ille-et-Vilaine, dont le conseil municipal vote en mars 2022, à l’unanimité, la venue d’Ukrainiens. Mais, à leur arrivée, une (mauvaise) nouvelle tombe : en raison d’une forte demande, Paimpont n’aura pas son contingent de migrants ukrainiens, remplacés par des Syriens.

Parmi d’autres comédies qui ont raconté l’arrivée d’étrangers dans un village (Bienvenue à Marly-Gomont, de Julien Rambaldi, Pour l’honneur, de Philippe Guillard, Bienvenus !, de Rune Denstad Langlo), celle-ci ne se distingue pas par sa finesse. Il montre toute l’étendue des préjugés, plaisanteries et attaques racistes de manière très appuyée. Laurent Laffitte incarne sans nuance l’odieux plombier xénophobe doublé d’un épouvantable mari machiste. Ce généreux plaidoyer en faveur de l’accueil des exilés interroge nos solidarités à géométrie variable, mais il aurait mérité un traitement plus subtil.

» LIRE LA CRITIQUE : « Les barbares », une comédie sans nuances sur l’accueil des réfugiés

Look back **
de Kiyotaka Oshiyama
Film d’animation japonais, 57 minutes

Les films d’animation japonais n’ont pas leurs pareils pour chroniquer les petits riens du quotidien. S’inscrivant dans cette veine, ce joli film d’animation raconte l’amitié entre deux adolescentes mordues de dessin, deux contraires qui s’attirent comme des aimants. Mais Fujino est aussi extravertie et populaire que Kyomoto renfermée et invisible. Chacune admire en secret le travail de l’autre dans le journal de leur collège, jusqu’à ce que leur rencontre crée des étincelles graphiques.

Elliptique à souhait, ce film d’animation résume en moins d’une heure les affres et les joies de leur amitié dont naîtra un manga à succès. Cette courte durée pourra en laisser certains sur leur faim, mais elle permet au film d’éviter de délayer son récit, écueil traditionnel des films d’animation nippons. Concentré d’émotions, Look back n’évite pas les effets tape-à-l’œil (montage accéléré, flash-back nostalgique…) mais révèle une belle maîtrise de l’animation des personnages et de leurs expressions de son réalisateur, Kiyotaka Oshiyama, talent prometteur.

Retrouvez les critiques des films sortis la semaine dernière

• Non ! * Pourquoi pas ** Bon film *** Très bon film **** Chef-d’œuvre
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