Taxe sur les engrais russes : mais qu’achète-t-on encore à la Russie ?

Dans un contexte de nouvelles sanctions, le Parlement européen a adopté, jeudi 22 mai 2025, la surtaxation de l’engrais importé de Russie.
Dans un contexte de nouvelles sanctions, le Parlement européen a adopté, jeudi 22 mai 2025, la surtaxation de l’engrais importé de Russie. Stéphane LEITENBERGER / stock.adobe.com
Le Parlement européen a adopté, jeudi 22 mai, la surtaxation de l’engrais provenant de Russie. Importés par millions de tonnes chaque année en Europe, les fertilisants azotés ne sont pas les seuls produits encore échangés avec la Russie depuis le début de la guerre, à l’instar du gaz, ou encore, du nucléaire.

L’Union européenne avait annoncé des sanctions « massives », au sortir des pourparlers infructueux d’Istanbul, vendredi 16 mai. Arrivé au 17e, bientôt 18e paquet de sanctions contre la Russie, quelle mesure peut encore impacter véritablement l’économie de l’agresseur ? En adoptant, jeudi 22 mai, une surtaxation sur les engrais importé de Russie par millions de tonnes chaque année en Europe, le Parlement européen vient toucher à la matière première de ces fertilisants azotés : le gaz naturel.

À l’instar du pétrole brut, du charbon, de l’acier, de l’asphalte, des diamants et d’autres matériaux, mais aussi de certains biens, nombre de produits russes à destination de l’Europe sont déjà sous embargo. À l’inverse, entreprises et institution russe sont privées de nombreux services fournis par les entreprises européennes de conseils, de banque et d’autres secteurs.

Malgré toutes ces interdictions, après trois ans de guerre en Ukraine et de condamnations diplomatiques, l’Europe n’a pas totalement coupé les liens commerciaux avec la Russie.

Le gaz naturel

Avec un montant de plus 600 millions d’euros par jour, selon les estimations d’avril 2025 du Centre pour la recherche sur l’énergie et la propreté de l’air (Crea), la vente d’hydrocarbure constitue une source essentielle de financement de l’effort de guerre russe.

Or, si les Européens ont réduit considérablement leur consommation de pétrole russe, en passant de 27 % de la consommation européenne, à 3 % en 2024, d’après les chiffres du site institutionnel Toute l’Europe, ils restent des acheteurs importants de son gaz naturel.

La France en particulier, en dépit de son mix énergétique et de son énergie nucléaire, est devenue le premier client européen. Entre 2023 et 2024, ses importations de GNL russe ont augmenté de 81 %. L’Union européenne, qui a déjà bloqué les exportations de pétrole russe dans l’UE, s’est donnée jusqu’en 2027 pour se sevrer du gaz russe.

L’engrais

Face aux tensions sur l’approvisionnement en gaz naturel, matière première des engrais azotés, les industriels européens ont réduit leur production d’engrais chimiques. Seulement, pour combler cette nouvelle carence, les Européens se retrouvent à importer directement leurs engrais… de Russie.

L’importation d’engrais russe en France a même plus que triplé, passant de 215 000 tonnes importées en 2020, à 735 000 en 2024, d’après les statistiques de la Commission européenne.

Malgré la crainte exprimée des agriculteurs d’une envolée des prix mondiaux, le Parlement européen a adopté, jeudi 22 mai, la surtaxation de ces millions de tonnes d’engrais importés de Russie. Les Européens « se tirent une balle dans le pied » et vont « se retrouver avec des engrais plus chers » a fustigé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

Le nucléaire

L’Union européenne est encore très dépendante du nucléaire russe. D’une part, parce que la Russie, en 2020, était le septième producteur mondial d’uranium, et donc capable d’influer sur les cours mondiaux, mais elle est surtout la voie de passage principale pour l’uranium du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, d’où provenaient, en 2020, plus de 63 % des importations françaises.

Le géant du nucléaire russe, Rosatom, reste ensuite le responsable de la fabrication d’une petite vingtaine de réacteurs parmi les États membres de l’UE, et de plusieurs projets en cours.

Deux fois plus gros que le numéro deux Urenco, une entreprise anglo-germano-néerlandaise, et presque quatre fois plus que le numéro trois français Orano, le groupe russe Rosatom reste pour la France comme pour le reste du monde le principal acteur de l’enrichissement de l’uranium, une étape décisive dans la production du combustible, mais aussi de son recyclage.

Produits alimentaires et agricoles

À l’exception de quelques produits de la mer haut de gamme, et de certaines liqueurs, aucune sanction européenne ne touche le commerce des produits alimentaires et agricoles entre la Russie et l’Union européenne.

« La sécurité alimentaire (mondiale) et le caractère abordable des denrées alimentaires constituent une priorité essentielle pour l’UE et ses États membres », justifie la Commission européenne sur son site.

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