Science : une espèce de loup préhistorique a-t-elle vraiment été « ressuscitée » ?

Remus et Romulus. Selon l’entreprise Colossal Biosciences, il s’agirait de « la première désextinction du monde »., une déclaration remise en cause ce mardi 8 avril 2025 par la communauté scientifique.
Remus et Romulus. Selon l’entreprise Colossal Biosciences, il s’agirait de « la première désextinction du monde »., une déclaration remise en cause ce mardi 8 avril 2025 par la communauté scientifique.
Les loups Remus, Romulus et Khaleesi, « créés » à partir de l’ADN d’une espèce éteinte, ont fait les gros titres de la presse américaine. Selon l’entreprise Colossal Biosciences, il s’agirait de « la première désextinction du monde ». Une déclaration remise en cause mardi 8 avril par la communauté scientifique.

Œil jaune, fourrure blanche… Les loups Remus, Romulus et Khaleesi ont fait les gros titres de la presse américaine, après que leur existence a été révélée en grande pompe par Colossal Biosciences. Selon l’entreprise controversée, connue pour vouloir ressusciter le mammouth laineux, le dodo et le tigre de Tasmanie, il s’agirait de « la première désextinction du monde ». Une déclaration remise en cause ce mardi 8 avril par la communauté scientifique.

Les deux mâles âgés de six mois et mesurant déjà près de 1,80 m de long pour 80 kg, et leur petite sœur de trois mois, seraient nés grâce à de l’ADN de « dire wolf » ( « loups géants » ou « loups terribles »). Avec un « détail » qui fait tout l’événement : cette espèce préhistorique est éteinte depuis environ 13 000 ans.

Plus grands et plus puissants que le loup gris, les « loups géants » évoluaient à la préhistoire dans le sud du Canada et aux États-Unis, où de nombreux fossiles ont été découverts. Avec une tête large, une fourrure légère et épaisse et une forte mâchoire, ils chassaient les chevaux, les bisons et peut-être les mammouths. La disparition de ses proies, la chasse humaine ou le changement climatique auraient eu raison de l’espèce, qui s’est effacée au profit du loup gris, encore présent de nos jours.

Nés par césarienne

À l’été 2023, les chercheurs de Colossal Biosciences, fondée deux ans plus tôt, annoncent commencer à travailler sur « la création » d’un loup géant. Pour y arriver, le génome de l’espèce éteinte est extrait de deux échantillons anciens, prêtés par des musées américains : une dent vieille de 13 000 ans trouvée à Sheridan Pit, dans l’Ohio, et un os d’oreille vieux de 72 000 ans mis au jour à American Falls, dans l’Idaho.

Un minutieux travail de laboratoire est ensuite réalisé. « La création de ces grands loups n’a nécessité que 20 modifications sur 14 gènes du loup commun, mais ces modifications ont donné naissance à une multitude de différences, notamment leurs vocalisations caractéristiques, en particulier les hurlements et les gémissements », explique le Time.

Les cellules génétiquement modifiées ont ensuite été cultivées jusqu’à devenir des embryons viables, implantés dans des chiennes domestiques, utilisées comme mères porteuses. Puis, en octobre 2024, Romulus et Remus sont nés par césarienne, suivis de leur petite sœur Khaleesi en décembre de la même année.

Sevrés, Romulus, Remus et Khaleesi manifestent déjà dans leurs réserves de 2000 hectares des comportements semi-sauvages. Ils ont commencé à hurler alors qu’ils n’avaient que deux semaines et font preuve d’une prudence… de loup. Nourris avec de la viande de bœuf, de cheval et de cerf, le tout accompagné de nourriture pour chiots afin de leur apporter les nutriments nécessaires, ils n’ont cependant pas encore essayé de s’en prendre à des proies vivantes.

La communauté scientifique sceptique

Certains scientifiques sont néanmoins sceptiques quant à cette « réalisation historique », qui pourrait selon Colossal Biosciences empêcher des animaux existants menacés de s’éteindre à leur tour. Remus Romuls et Khaleesi représentent certes une avancée technologique impressionnante, mais, ils ne seraient pas de véritables « loups terribles », contrairement à ce qu’avancerait Beth Shapiro, chercheuse renommée recrutée par l’entreprise américaine.

Dans les médias, elle explique que son équipe aurait séquencé le génome complet du loup géant, qui serait identique à 99,5 % de celui du loup gris. En appui, le ministère de l’intérieur américain aurait « envoyé à Colossal un projet de déclaration saluant ces naissances comme la preuve que l’innovation, et non la réglementation, a fait la grandeur américaine », écrit le New Yorker.

Mais « ce que Colossal a produit, c’est un loup gris, avec des caractéristiques semblables à celles des loups terribles, comme un crâne plus large et une fourrure blanche », explique à la BBC le paléogénéticien Nic Rawlence, sur la même ligne que bon nombre de ses confrères. « C’est un hybride ». L’équipe de l’entreprise aurait ainsi eu recours à la biologie synthétique, une technologie qui consiste à prélever des morceaux d’ADN et à les insérer dans le code génétique d’un animal vivant dont le schéma biologique est intact, plutôt que de recréer l’ADN ancien, trop abîmé.

Cela n’empêche pas Colosal Biosciences de lancer une campagne de communication qui fait mouche, surfant sur la série à succès Game of Thrones, dans laquelle de grands loups blancs font une apparition remarquée. Selon le Hollywood Reporter, le réalisateur Peter Jackson a prêté le Trône de Fer, récemment acheté aux enchères, pour une séance photo à Dallas (Texas), avec en vedettes Remus et Romulus. L’auteur des livres dont est inspirée la série, George RR Martin, « a également pris l’avion pour rencontrer les deux loups dans leur réserve privée », raconte le média spécialisé. De quoi ravir les fans, à défaut de la communauté scientifique.

OSZAR »