Berlinale : des pierres et des météorites dans le ciel des étoiles

La Berlinale, qui s'achève samedi 20 février, a été marquée par des questions sur l'Iran et par un film turc, « Bal », magnifique

Une voiture verte fonce dans un tunnel désert de Téhéran. Elle passe de la lumière aux ténèbres, avant de ressortir dans une lueur floue. Difficile de ne pas voir dans ce bolide qui trace comme une balle l'image des tensions qui secouent la société iranienne. Jusqu'à ce vert, couleur de l'opposition au régime actuel, mais aussi de l'unité nationale.

Rafi Pitts, le réalisateur, exilé à Paris, se défend de cette interprétation, et son film, Le Chasseur, pourrait aussi bien se passer n'importe où. Il n'empêche : l'énergie interne de cette oeuvre vient de ce peuple en ébullition où 70 % de la population a moins de 30 ans. Et n'a connu que le pouvoir étouffant des mollahs.

L'Iran aura été l'un des points forts de cette Berlinale 2010. Dans une section parallèle, Nader Davoodi est venu présenter Red, White and the Green. Un documentaire pris sur le vif pendant les manifestations qui ont ponctué la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, nous plongeant dans la marée verte du stade de Téhéran, parmi des femmes voilées et belles, portable à la main, reprenant en choeur le chant collectif, appelant à chasser démocratiquement cette dictature. 

Un très beau documentaire sur la découverte de l'autre

Puis dans la rue, au milieu des embouteillages de scooters et de voitures, où les appels à voter retentissaient comme des clameurs, ponctués d'interviews à visages découverts sur l'avenir de ce pays. Images précieuses remontées d'un puits de silence et d'interdictions. Le régime de Téhéran a refusé, pour la deuxième fois en six mois, un visa de sortie au réalisateur Jafar Panahi (Lion d'or à Venise en 2000 pour Le Cercle et Ours d'argent, ici, en 2006 avec Hors-jeu), invité par la Berlinale à participer à un débat sur les perspectives du cinéma iranien.

On songeait au mot de Martin Scorsese, lors du dernier Festival de Cannes : « Un pays sans mémoire cinématographique est comme une maison sans miroirs. » La Berlinale a présenté aussi, dans une section parallèle, Budrus, sur la résistance non-violente de ce village palestinien de 1 500 habitants opposé à la construction du mur qui allait traverser le cimetière, être édifié contre l'école et arracher les oliviers, sa ressource. Un très beau documentaire sur la découverte de l'autre quand il n'a plus le visage de l'ennemi, notamment lorsque des Israéliens viennent lutter avec ces paysans contre l'injustice que leur inflige leur propre pays.

Bora Altas illumine l'écran par sa présence et son jeu

Après un démarrage prometteur, cette 60e édition s'est enlisée dans des productions moyennes, inégales, dominées par des comédies intimistes et des drames familiaux. De facture plus classique et plus conventionnelle que Cannes, moins tournée vers les audaces esthétiques ou formelles, la Berlinale retient en compétition des oeuvres dont on finit par se demander quels sont les critères de sélection.

Heureusement, des météorites éclairent soudain les salles, comme Bal ( Honey, en anglais), du Turc Semih Kaplanoglu. Un pur diamant. Un film différent, sans concession, méditatif, de poésie et de contemplation, ou la vie d'une famille, dans une forêt, sous le regard d'un enfant. Et quel enfant ! Bora Altas (l'acteur) a 6 ans. Il illumine l'écran par sa présence et son jeu. On ne serait pas surpris que le jury, présidé par Werner Herzog, décerne l'un de ses prix, voire l'Ours d'or, samedi soir, à cette oeuvre exigeante et belle. Bora Altas pourrait même recevoir le prix d'interprétation. Comme Victoire Thivisol, la Ponette de Jacques Doillon, récompensée à Venise en 1996.

OSZAR »