Analyse

La Syrie, dangereux « terrain de jeu » des tensions entre l’Iran et Israël

Le 20 juillet, des frappes israéliennes au sud de Damas ont tué cinq combattants pro-Iran, dont un membre du Hezbollah, et blessé onze personnes, dont sept soldats syriens.
Le 20 juillet, des frappes israéliennes au sud de Damas ont tué cinq combattants pro-Iran, dont un membre du Hezbollah, et blessé onze personnes, dont sept soldats syriens. Jalaa Marey / AFP
La défense antiaérienne syrienne a annoncé entrer en action, lundi 3 août, à la suite de raids menés par Israël au sud du pays. La reprise des affrontements en Syrie entre l’État hébreu et des forces affiliées à l’Iran dessine la possibilité d’une escalade.

Les affrontements entre Israël et le Hezbollah, ou d’autres factions sous la houlette iranienne, ne datent pas de la fin juillet. Mais la reprise des tensions récente, après des mois de calme, s’inscrit dans un contexte international de tensions grandissantes entre les deux camps, sur le territoire syrien.

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Le 20 juillet, des frappes israéliennes au sud de Damas ont tué cinq combattants pro-Iran, dont un membre du Hezbollah, et blessé onze personnes, dont sept soldats syriens. Six jours plus tard, Israël a annoncé avoir tué « quatre terroristes » qui auraient déposé des explosifs le long d’une barrière de sécurité au Golan syrien, occupé par Israël.

Le lendemain, l’État hébreu a déclaré avoir « déjoué une attaque terroriste » et « ouvert le feu sur des hommes armés » à la frontière avec le Liban. Le Hezbollah a démenti toute implication. Une semaine plus tard, c’est la défense antiaérienne de l’armée syrienne qui signale entrer en action à la suite de raids israéliens au sud du pays.

Rare revendication israélienne

Israël a revendiqué ces attaques menées en Syrie : des représailles selon l’État hébreu. « Ce qui est significatif, souligne Fabrice Balanche, géographe spécialiste de la région, et ce qu’elle a très rarement fait auparavant, même si sa mise en cause était toujours évidente ». Selon le chercheur, Israël cherche ainsi à attirer l’attention sur la menace qui plane à sa frontière, et à alerter notamment la Russie, qui s’était engagée avec les États-Unis à garantir la stabilité de la démarcation syro-israélienne.

Le premier ministre Benyamin Netanyahou a mis directement en garde le Hezbollah. Le ministère de la Défense israélien, qu’occupe Benny Gantz, partenaire de coalition de Netanyahou, a précisé de son côté que les personnes ayant franchi la frontière relevaient de factions sous la houlette iranienne, mais pas nécessairement du Hezbollah. La nuance est susceptible d’éviter des affrontements directs au sud du Liban.

Démarche offensive de l’Iran

L’incursion de forces affiliées à l’Iran en Israël par le territoire du Golan est « la preuve », avance Joseph Bahout, chercheur associé au Carnegie’s Middle East Program, que la Russie ne parvient pas à maîtriser les actions iraniennes et que ce pays cherche à reprendre des hostilités directes à la frontière israélienne.

D’après le chercheur, aucun incident ne peut expliquer cette reprise des tensions depuis la fin juillet, mais elles s’observent au regard d’un contexte international plus large, entre l’Iran et les États-Unis. L’Iran cherche en premier lieu à montrer que ses capacités sont inaltérées depuis l’assassinat, le 3 janvier à Bagdad, du général Soleimani, qui dirigeait les opérations extérieures de la République islamique, notamment en Irak et en Syrie.

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Téhéran cherche aussi « à prendre des cartes » avant l’échéance des négociations avec les États-Unis sur les sanctions qui lui sont imposées. L’issue de ces discussions dépendra de l’élection présidentielle américaine, le 3 novembre : « Il y a donc fort à parier que ces reprises des violences avec Israël en Syrie ne sont que les premières, et que la crainte de l’escalade sera quotidienne et permanente jusqu’au début de l’année 2021 », estime Joseph Bahout.

Le Golan syrien, un deuxième front

Face à cette attitude de l’Iran, la réponse israélienne a toujours été d’agir, rappelle Fabrice Balanche, qui insiste sur la fragilité de la situation et le risque d’une riposte d’Israël, un jour, bien plus importante. En 2006, des incidents entre l’État hébreu et le Hezbollah avaient conduit à des affrontements sanglants et à la mort de 1 200 Libanais et 160 Israéliens.

Israël cherche aussi à tester les capacités iraniennes, alors que Téhéran s’est engagé, à la mi-juillet, à renforcer les défenses antiaériennes de la Syrie.

Au milieu des deux camps, la Syrie, et particulièrement le Golan syrien, devient le deuxième front du conflit. L’occasion pour Bachar Al Assad de rappeler « son indépendance auprès de la Russie » et « son soutien à l’Iran », analyse Fabrice Balanche.

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Les actions de l’Iran semblent pousser à l’escalade selon les chercheurs, alors que la période est déjà délicate pour Israël, d’une part, où les manifestations hostiles au premier ministre se multiplient, et pour le Hezbollah, de l’autre, embourbé dans un Liban à terre, plus encore après les explosions meurtrières et ravageuses du mardi 4 août qui ont attisé la colère populaire contre le système politique en place.

OSZAR »