Tribune

Hausse des catéchumènes : « Le prochain pape devra accompagner ces germes de printemps »

Bruno Dumons
Directeur de recherches CNRS et diacre (diocèse de Lyon)
Baptême d’adultes dans l’église catholique Saint-Ambroise.
Baptême d’adultes dans l’église catholique Saint-Ambroise. Pascal Deloche / picture-alliance / Godong
Alors que l’Église est confrontée, depuis le rapport de la Ciase, à des révélations de violences sexuelles en son sein, elle enregistre une hausse inattendue du nombre de catéchumènes. De nouveaux arrivants dans l’Église que le prochain pape devra accompagner de la meilleure manière, rappelle l’historien Bruno Dumons.

Les récents diagnostics posés sur le catholicisme français ont de quoi laisser perplexe le fidèle comme l’observateur avisé. L’année 2021 est alors terrible. À l’automne, le rapport de la Ciase révèle l’ampleur des violences sexuelles qui ont été perpétrées au sein de l’Église de France depuis les années 1950. Les éditions du Seuil font appel aux meilleurs spécialistes pour examiner la situation. Deux livres importants sont publiés : la sociologue Céline Béraud essaie d’analyser un catholicisme français à l’épreuve des scandales sexuels ; l’historien Guillaume Cuchet s’interroge : le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ?

Et ce n’est pas qu’en France mais aussi en Europe et au-delà de l’Atlantique jusqu’au Chili. Il n’est alors guère de semaine dans le journal La Croix qui ne fasse état d’une plainte ou d’une révélation sur des abus ou des gestes inappropriés portés par un prêtre. Des fidèles font défection, d’autres réclament haut et fort une réforme intérieure d’envergure. Aurait-on alors touché le fond, y compris dans la pratique des sacrements ? Le pire serait-il encore à venir ?

En cette fin d’année 2021, l’hiver ecclésial qui s’installe semble parmi les plus rigoureux. C’est précisément à ce moment-là que des prêtres du diocèse de Lyon viennent trouver leur nouvel archevêque et lui disent : « Je ne sais pas ce qui se passe. Cette semaine, il y a eu deux, trois, quatre personnes qui sont venues frapper à la porte du presbytère et qui demandent le baptême » (homélie de Mgr Olivier de Germay à la messe chrismale 2025).

Alors que le nombre de baptêmes d’adultes avait baissé en 2021, voilà qu’il remonte en France à plus de 4 000 en 2022. Entre 2023 et 2024, les demandes de baptême catholique augmentent même de 31 % chez les adultes et de 50 % chez les adolescents. Le record reviendrait au diocèse de Saint-Claude, dans le Jura, avec une progression de 200 % (de 8 à 27 baptisés). La presse cherche à comprendre ; les spécialistes scrutent les chiffres. L’historien reste prudent car il lui faut du temps pour discerner une « tendance de fond ».

Le retour du rite

Mais le ministre a pu observer, là où il se trouve, que les fidèles réguliers de la cathédrale ont été rejoints silencieusement par des jeunes couples, des étudiants, des lycéens au point de faire nombre, parmi lesquels se distingue une diversité de milieux, bourgeois comme populaire, africain comme asiatique, masculin comme féminin. La messe dominicale attire davantage ; celle des Cendres a fait le plein comme partout en France en 2025. Certes, les réseaux sociaux alimentent chez les jeunes internautes la nouveauté du rite, mais la demande est bien là.

L’économie sacramentelle n’est pas morte ; elle change peut-être de modèle et de comportement ecclésial. Si les baptêmes d’enfant se raréfient, ceux d’adolescents et d’adultes ne sont plus une exception, comme l’a souligné le démographe Vincent Gourdon dans son Histoire du baptême (2025). Les mariages à l’église sont désormais le fait de couples déjà bien avancés dans la vie, très souvent pacsés, à la recherche d’une démarche pérennisant leur projet initial dans l’espace sacramentel du catholicisme.

Pour les funérailles, rien ne semble encore bouger car elles concernent surtout les plus âgés et les générations de baby-boomers éloignées de l’Église et de ses rites, au point de plébisciter ceux du funérarium et la crémation. Si les chiffres fournis par la Conférence épiscopale confirment l’effondrement accéléré des rites habituels de la pratique (baptêmes, confirmations, mariages) entre 2000 et 2015, sur lequel l’historien et la sociologue devront revenir un jour pour en percevoir les causes, ils témoignent aussi d’un arrêt de cette chute et d’une stabilisation au cours de la décennie 2020.

Un nouveau cadre

Mais là où ils sont, les ministres du culte observent la présence de fidèles jamais vus auparavant, tant par goût de la liturgie que par recherche d’intériorité. Certains étaient des « occasionnels », d’autres sont des « convertis » dont la ferveur conduit jusqu’au baptême. Les 17 000 baptisés de Pâques 2025 dont 7 000 adolescents ne combleront pas les pertes et les sorties des décennies antérieures, mais ils nous disent que quelque chose a changé en France mais aussi en Europe dans une moindre mesure.

Un cahier spécial de La Croix (18 avril 2025) s’est penché sur le profil de ces catéchumènes. Beaucoup viennent de là où la transmission n’a pas eu lieu. Pour la plupart, ils sont en recherche d’un « phare qui montre le chemin dans les ténèbres ». Il faudra relire les milliers de lettres qu’ils ont écrites à leur évêque, évoquant leurs itinéraires souvent tourmentés. Ils témoignent d’une recherche d’espérance dans un monde fracturé par les nouvelles technologies et les bouleversements géopolitiques.

Après des décennies de foi absolue dans la marche vers un progrès sans fin, le retour du tragique par les épidémies et les guerres que connaissaient nos sociétés d’autrefois interroge les consciences. Pour eux, la réponse est en Dieu et en l’Église. Le prochain pape devra savoir aussi accompagner ces germes de « printemps » sur ces vieilles terres d’Europe devenues aujourd’hui des « périphéries ».

OSZAR »