Âges des lauréats, prix refusés… Dix choses étonnantes à savoir sur les prix Nobel

Marie Curie et Albert Einstein, en 1925 à Genève.
Marie Curie et Albert Einstein, en 1925 à Genève. ARCHIVES P. ET M. CURIE / AFP
Les prix Nobel sont attribués à partir de ce lundi 7 octobre et jusqu’au 14 octobre à Stockholm et à Oslo. Voici dix choses à savoir sur ces récompenses, remises à ceux qui ont œuvré pour « le bienfait de l’humanité », selon le vœu de leur créateur, l’inventeur suédois Alfred Nobel.

C’est reparti pour une nouvelle saison de prix Nobel. Ces récompenses convoitées vont être attribués à partir de ce lundi 7 octobre, en commençant par le Nobel de physique. Les annonces se succéderont ensuite jusqu’au lundi 14 octobre pour le dernier de la série, le Nobel d’économie (qui est en réalité le prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel).

► Des prix en famille

En couple, parent-enfant, oncle-neveu : plus d’une dizaine de familles ont plusieurs fois reçu le Nobel. La palme revient aux Curie, riche lignée de chimistes et de physiciens. En 1903, le couple Pierre et Marie se partage, avec Antoine Becquerel, un prix Nobel pour des recherches sur les « phénomènes de radiation ». Lauréate du prix de chimie 1911 pour ses travaux dans la « découverte de nouveaux éléments : le radium et le polonium », la native de Varsovie recevra ensuite un prix de plein droit.

Toujours chez les Curie, la fille de Pierre et Marie, Irène Joliot-Curie, s’est vu attribuer le prix Nobel de chimie 1935, avec son mari Frédéric Joliot, « en reconnaissance de leur synthèse de nouveaux éléments radioactifs ». La sœur cadette d’Irène, Eve Curie, épousera Henry Richardson Labouisse. Ce dernier dirigera l’Unicef, organisme qui recevra le Nobel de la paix 1965.

► Une méprise à l’origine des prix ?

Le 12 avril 1888, le frère aîné d’Alfred Nobel, Ludvig, meurt à Cannes, en France. Mais Le Figaro fait une méprise, et annonce la mort d’Alfred : « Un homme qu’on ne pourra que très difficilement faire passer pour un bienfaiteur de l’humanité est mort hier à Cannes. C’est M. Nobel, inventeur de la dynamite. »

Beaucoup attribuent la paternité de la création des prix à cette erreur. Une hypothèse renforcée par la formule choisie par Alfred Nobel, désireux de redorer son blason, qui décidera justement de récompenser ceux qui ont contribué « au bienfait de l’humanité ».

► Des prix refusés

Plusieurs lauréats ont refusé ces prestigieuses distinctions. En 1973, le diplomate vietnamien Lê Duc Tho, prix Nobel de la paix aux côtés du secrétaire d’État à la défense américain Henry Kissinger pour les accords de Paris, base d’un cessez-le-feu au Vietnam, balaie la médaille en estimant que « la paix n’a pas réellement été établie ».

Prix Nobel de littérature 1964, le Français Jean-Paul Sartre le refuse, comme il l’avait annoncé avant même les résultats. « Un écrivain qui prend des positions politiques, sociales ou littéraires ne doit agir qu’avec les moyens qui sont les siens, c’est-à-dire la parole écrite. Toutes les distinctions qu’il peut recevoir exposent ses lecteurs à une pression que je n’estime pas souhaitable », justifia à l’époque l’écrivain.

Six ans avant lui, le Russe Boris Pasternak avait déjà rejeté le prix Nobel de littérature : « En raison de la signification attachée à cette récompense par la société dont je fais partie, je suis dans l’obligation de refuser cette distinction non méritée qui m’a été offerte. »

Dans les années 1930, l’Allemagne nazie a trois fois écarté un prix Nobel décerné à un scientifique : Richard Kuhn (1938) et Adolf Butenandt (1939) en chimie, Gerhard Domagk (1939) en médecine. Une application de la décision prise en 1936 par Adolf Hitler de s’opposer à toutes récompenses de l’académie Nobel, après le choix cette année-là de l’antinazi Carl von Ossietzky comme Nobel de la paix.

► Une fortune pour une médaille Nobel

Les prix Nobel sont dotés d’une somme de 10 millions de couronnes par catégorie (environ 735 000 €) et d’une médaille en or de 18 carats. Prix Nobel de la paix 2021, le Russe Dmitri Mouratov, rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, a vendu sa récompense au profit des enfants déplacés par la guerre en Ukraine.

Un philanthrope anonyme l’a acquise pour près de 100 millions d’euros. Une somme reversée à un programme de l’Unicef.

► La France en tête pour la littérature

Dans toutes les catégories de prix Nobel, le palmarès est dominé par les Américains. Sauf en littérature, où c’est la France qui fait la course en tête.

Les auteurs français se sont ainsi accaparé 16 fois le Nobel de littérature, de Sully Prudhomme (1901) à Annie Ernaux (2022). Suivent les États-Unis (13) et le Royaume-Uni (11). L’anglais demeure tout de même la langue la plus primée, avec 30 auteurs anglophones récompensés.

► Un prix pour les vivants

Depuis 1974, les statuts de la Fondation Nobel interdisent qu’un prix soit remis à titre posthume, sauf si la mort survient après l’annonce du lauréat.

Jusqu’à ce que cette règle soit officialisée, seules deux personnalités disparues, des Suédois, avaient été récompensées : le poète Erik Axel Karlfeldt (Nobel de littérature en 1931) et le secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld (Nobel de la paix en 1961). En 2011, le prix Nobel de médecine reste attribué au Canadien Ralph Steinman, pourtant décédé trois jours avant l’annonce.

► Le « quatrième homme »

Le règlement du Nobel empêchant de décerner un même prix à plus de trois personnes conjointement, l’histoire est parsemée de « quatrièmes », contributeurs à la recherche primée, mais absents du palmarès. C’est le cas notamment de Jean-Claude Chermann, grand oublié du prix Nobel de médecine 2008 récompensant la découverte du VIH.

► Un prix très masculin

Depuis 1901, 64 femmes – dont Marie Curie, première lauréate et même deux fois récompensée – ont reçu le prix Nobel, contre 895 hommes, soit à peine 7 % seulement des médailles.

Le prix Nobel de la paix est le plus féminin (autour de 15 %), loin devant les domaines scientifiques (moins de 5 %). Si l’inégalité est criante dans tous les domaines, les femmes primées sont de plus en plus nombreuses au fil des décennies. Seulement quatre ont été primées entre 1901 et 1925. Le chiffre double les vingt-cinq années suivantes mais retombe à trois seulement entre 1951 et 1975. Les choses s’améliorent ensuite avec 15 lauréates entre 1976 et 2000 et déjà 35 sur le premier quart du XXIe siècle.

► Des lauréats de plus en plus vieux

Selon une étude de 2014 publiée dans la revue Physics Today au sujet des prix Nobel scientifiques, le délai entre les découvertes et leur récompense a augmenté. Avant 1940, environ 11 % des prix de physique, 15 % des prix de chimie et 24 % des prix de physiologie ou de médecine étaient décernés après un délai de plus de vingt ans. Après 1985, ces pourcentages sont montés respectivement à 60, 52 et 49 %.

Corrélativement, l’âge des vainqueurs est lui aussi à la hausse, avec un âge moyen du prix Nobel de physique passé de 41 à 62 ans entre 1900 et 2014. En 2023, l’âge moyen des lauréats était même de 67 ans. Avec comme benjamine la Nobel de la paix, Narges Mohammadi (51 ans) et comme doyen le physicien Pierre Agostini (82 ans).

► Les récompenses « équivalent » Nobel

Les prix Nobel ne sont décernés que dans cinq disciplines : physique, chimie, physiologie ou médecine, littérature et paix. Mais depuis 1901, d’autres récompenses se sont imposées comme des « équivalents » Nobel dans d’autres domaines ; soit les plus prestigieuses qu’on puisse espérer.

En 1968 a ainsi été institué un prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, rapidement mais improprement appelé Nobel d’économie. En mathématiques, le pendant du Nobel est la médaille Fields, décernée depuis 1936. Le prix Turing fait référence pour l’informatique, le prix Ernst-von-Siemens en musique ou le prix Crafoord en géologie.

OSZAR »