« Blocus » de Taïwan : comment la Chine a développé son porte-avions et ses ambitions

Le Shandong, aperçu au large de Taïwan, le 31 mars dernier. La Chine a confirmé mercredi 2 avril 2025 le déploiement de son porte-avions près de l’île.
Le Shandong, aperçu au large de Taïwan, le 31 mars dernier. La Chine a confirmé mercredi 2 avril 2025 le déploiement de son porte-avions près de l’île. HANDOUT / AFP
La Chine a déployé mercredi 2 avril son porte-avions « Shandong » lors d’exercices autour de Taïwan censés éprouver sa capacité à ériger un « blocus » de l’île. La marine chinoise possède actuellement deux porte-avions, un troisième en essais et prévoit de se doter d’un quatrième navire à propulsion nucléaire.

La Chine a confirmé mercredi 2 avril la participation de son porte-avions Shandong aux manœuvres militaires dans le détroit de Taïwan. L’opération vise, selon l’armée chinoise, à éprouver ses capacités en matière de « contrôle des zones » et de « blocus » de l’île que Pékin revendique.

Taïwan a pour sa part condamné ces exercices militaires, et dit avoir repéré 21 navires de guerre – comme lors des manœuvres de la veille – mais aussi 27 aéronefs et 10 bateaux de garde-côtes chinois aux alentours de l’île. Il s’agit du nombre le plus élevé de navires de guerre repérés en une seule journée depuis près d’un an, selon Taïpei.

La Chine multiplie ces dernières années les exercices militaires à grande échelle autour de Taïwan pour appuyer sa revendication de souveraineté sur l’île et rappeler qu’elle n’exclut pas l’usage de la force pour en prendre le contrôle. Pékin déploie à ces occasions avions de chasse et navires de guerre, dont des porte-avions, symbole de sa puissance maritime en pleine expansion.

Un casino flottant devenu porte-avions

Le programme de porte-avions chinois commence dans les années 1980 sous l’impulsion de l’amiral Liu Huaqing, partisan de la doctrine d’une marine de « haute mer », c’est-à-dire une force navale capable d’opérer dans les eaux profondes des océans. L’élaboration d’une force aéronavale, dont les porte-avions constituent un élément central, apparaît nécessaire pour projeter la puissance militaire chinoise loin de ses côtes, d’abord en mer de Chine méridionale et ensuite dans l’océan Pacifique, pour défier la domination américaine dans la région. Mais le manque de financement et l’absence de savoir-faire ne permettent pas à la Chine, dans un premier temps, de construire elle-même ses propres porte-aéronefs.

Pékin opte alors pour la rétro-ingénierie : elle se procure des plans de porte-avions et quatre bâtiments de seconde main, un australien et trois soviétiques, entre 1985 et 2000. Parmi ces derniers, on retrouve le Varyag, un porte-avions soviétique inachevé et « sister-ship » de l’Amiral Kouznetsov de la marine russe, racheté à l’Ukraine en 1998.

Cette acquisition est réalisée par une société de Macao dirigée par un ex-militaire chinois. Officiellement il s’agit de le transformer en… casino flottant. Mais le navire passe aux mains des autorités chinoises en 2002. Entièrement rénové et rééquipé, le bâtiment est lancé pour des essais à la mer en 2011, puis entre en service actif le 25 septembre 2012.

Le bâtiment est officiellement baptisé Liaoning, du nom de la province où il a été rénové, devenant le tout premier porte-avions de la marine chinoise. Au cours de ce processus, la Chine acquiert à la fois une expérience dans la construction de porte-avions, et le savoir-faire opérationnel de l’emploi d’un groupe aéronaval pour asseoir son influence militaire en haute mer.

Les porte-avions « Made in China »

La Chine ne compte pas s’arrêter là. Elle se lance en novembre 2013 dans la construction d’un deuxième porte-avions, dont la conception est fondée sur celle du Liaoning. Entièrement construit en Chine pour la première fois, le navire est mis à flot en avril 2017 et admis au service actif le 17 décembre 2019, baptisé Shandong du nom d’une province de l’est du pays.

Le Liaoning et le Shandong ont toutefois une capacité opérationnelle significativement inférieure aux porte-avions géants à propulsion nucléaire de la marine américaine. Les deux navires ont en effet une propulsion conventionnelle limitant leur rayon d’action, et ne peuvent pas embarquer plus de 40 aéronefs, contre 75 à 90 avions pour les bâtiments américains.

De même, pour les systèmes de lancement d’aéronefs, les États-Unis utilisent les catapultes à vapeur ou électromagnétiques permettant d’optimiser la charge des avions de combat et la fréquence des décollages. Les porte-avions chinois, eux, sont seulement équipés de tremplin incliné, réduisant la capacité d’emport d’armement et de carburant.

Afin de combler l’écart avec la marine américaine, la Chine a donc décidé de doter son troisième porte-avions, le Fujian, de catapultes électromagnétiques. Ce bâtiment, plus lourd que les deux précédents, pourra donc lancer des avions de chasse avec leur chargement militaire complet. Le navire, qui a effectué ses premiers essais en mer en avril 2024, doit être admis au service actif en 2026.

La Chine s’apprête par ailleurs à franchir une nouvelle étape dans le développement de ses porte-avions : son quatrième porte-avions, connu sous le nom de Type-004 et dont la construction a commencé en 2020, sera équipé de catapultes électromagnétiques et potentiellement de réacteurs nucléaires. Un gain d’autonomie qui pourrait permettre à la Chine de déployer ses porte-avions loin de ses côtes, à l’image des États-Unis dont les onze porte-avions géants sont tous à propulsion nucléaire.

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